L’évolution des Écoles d’ingénieurs au 21ème siècle
Texte initialement publié sur la bibliothèque numérique de l’AUF étant un rapport d’une table ronde organisé sous le thème « Déployer de nouvelles coopérations internationales«
INTRODUCTION
Un établissement d’enseignement supérieur a pour mission de fournir à des étudiants ayant une solide formation de base, les outils qui leur seront nécessaires pour évoluer dans leur carrière. La tâche n’est pas simple lorsqu’il s’agit d’ingénieurs, car il est très difficile de cerner avec précision les fonctions que remplit un ingénieur dans la société, a fortiori de prévoir leur évolution dans les 40 années d’activités professionnelles de chaque élève. Néanmoins, il est possible de dégager quelques grands principes d’où découlent les caractéristiques d’une Ecole d’ingénieurs moderne.
LES GRANDS PRINCIPES
Un ingénieur est d’abord quelqu’un dont la formation est essentiellement scientifique et technique : l’art de l’ingénieur étant par nature pluridisciplinaire, il faut que cette formation soit suffisamment large pour qu’il dispose d’une panoplie étendue d’outils scientifiques lui permettant de tirer parti de toutes les innovations. Il faut également qu’il ait eu l’occasion d’approfondir un sujet donné pendant un temps suffisant pour qu’il puisse apprécier la complexité de toute discipline dès qu’on cherche à la maîtriser raisonnablement.
Mais un ingénieur est aussi appelé à animer un groupe d’hommes et doit pouvoir être capable d’accéder à des responsabilités de décideur : c’est pourquoi il doit raisonnablement disposer des connaissances nécessaires au gestionnaire en matière économique et sociale.
Enfin, et surtout, il doit avoir l’esprit ouvert et curieux, attentif aux évolutions de l’environnement local et international, et il doit prendre conscience du fait que la formation à l’École n’est qu’un début et non une fin.
Comment réussir, dans un délai acceptable (généralement 4 ou 5 ans) à atteindre un objectif aussi ambitieux ? Il faut que l’institution dans laquelle se trouve l’étudiant lui montre des exemples de nature à entraîner son adhésion à la fois grâce au corps enseignant et grâce à des activités qui demandent à l’étudiant un engagement personnel.
C’est pourquoi les Écoles d’ingénieurs modernes sont construites selon des schémas très semblables et de plus en plus complexes.
LE SCHÉMA D’UNE ÉCOLE D’INGÉNIEURS
Une École est, d’abord, une équipe d’enseignants qui en forme l’armature de base. Ce corps enseignant est lui-même engagé dans l’ensemble des activités qui ont, toutes, pour but d’améliorer la compétence des enseignants en leur permettant d’être en contact et en compétition avec le monde extérieur. A l’excellence technique et scientifique s’ajoute la capacité à évoluer, voire à changer de discipline.
Pour cela, une École réunit, autour d’un projet pédagogique commun :
– des activités de recherche,
– des activités de formation continue, qui permettent d’apporter à des professionnels des synthèses sur les avoirs nouveaux, mais qui enrichissent les enseignants du fruit de l’expérience des élèves,
– un réseau de relations internationales, dont la constitution est facilitée par les activités de recherche et par les contacts avec les milieux économiques.
Le cas échéant, elle doit être aussi capable d’accompagner les efforts de ceux qui souhaiteraient pouvoir innover et créer leur propre entreprise.
Il est donc clair que l’École est une entreprise elle-même : cette évolution est d’autant plus marquée que les questions de financement deviennent de plus en plus préoccupantes.
Avec la réduction progressive des financements publics, la recherche de sources de fonds diversifiés est de plus en plus nécessaire.
LA COOPÉRATION INTERNATIONALE
Celle-ci se présente sous deux formes différentes. Lorsqu’il s’agit de deux institutions de structure et de niveau semblables, il peut être bénéfique de réunir deux équipes dans un projet de recherche commun qui sera financé en partie par un industriel, ou un organisme, de l’un ou l’autre des deux pays. Dans le cas où un industriel de chaque pays peut être mobilisé, les deux Écoles peuvent alors jouer le rôle d’incitateurs de coopérations industrielles entre les deux pays. C’est, par exemple, la logique des « actions intégrées » de la Conférence des Grandes Écoles, le mot intégré signifiant que dans chaque action, participent des étudiants, des enseignants et des industriels de chacun des pays concernés.
En revanche, lorsqu’il s’agit d’institutions qui appartiennent l’une à un pays développé, l’autre à un pays en cours de développement, le sens de l’action est différent.
De toutes les expériences passées, celles qui se sont montrées les plus fructueuses sont celles qui présentaient les deux caractéristiques suivantes :
– elles s’inscrivent dans la durée,
– elles visent à construire dans l’institution des pays en voie de développement une recherche adaptée au pays en question.
Cette coopération peut avoir de nombreuses retombées : notamment pour ce qui nous concerne plus spécifiquement, à savoir la formation des ingénieurs, chaque institution peut aider l’autre à organiser des stages pour les étudiants d’un pays dans l’autre. Cette manière d’exposer les étudiants aux réalités professionnelles d’un pays autre que le leur est devenue une nécessité, dont la mise en pratique est difficile.
CONCLUSION
Le mot ingénieur désigne des réalités tellement diverses selon les époques, les pays, les professions qu’il est difficile de donner des indications générales.
Il est clair qu’il est l’homme-clé, lorsque la production est l’objectif essentiel et, à ce titre, dans les pays qui ont entamé un processus d’industrialisation, la bonne formation des ingénieurs est la condition sine qua non du succès. Il est vrai que rien n’est possible, non plus, si les masses financières nécessaires aux investissements ne sont pas là : mais, en fin de compte, une usine ne marche que si les technologies sont maîtrisées.
Mais, même dans les pays où la production mobilise de moins en moins de monde grâce aux gains fabuleux de productivité des dernières années, les ingénieurs ont un rôle essentiel à jouer, tant les technologies complexes envahissent toutes les activités. C’est pourquoi il est si important pour un pays que ses Écoles d’ingénieurs sachent se montrer à la hauteur de la tâche.