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Moncef ZIANI: état des lieux de l’ingénierie au Maroc [2010]

Moncef ziani

Présentation de M. Moncef Ziani, Past-Président de la Fédération Marocaine du Conseil et de l’Ingénierie (FMCI) lors de la session ordinaire de l’académie Hassan II des Sciences et Techniques tenue à Rabat, le 24 Novembre 2010.

Publiée initialement sur le bulletin d’information n°8 de l’Académie pour le mois de décembre 2010

Après avoir rappelé l’objet de l’ingénierie (l’optimisation des investissements quels que soient leur nature et leur stade de développement: conception, réalisation et exploitation pour lesquels il a défini les prestations- faisant appel à différents corps de métiers et pas seulement aux ingénieurs- et les formes d’intervention), et la typologie de ce métier (Ingénierie publique intégrée; Ingénierie privée intégrée; Ingénierie professionnelle), M. Ziani a présenté au préalable l’organisation de la profession au Maroc avant de décliner son état des lieux.

1. Organisation de la profession

La FMCI compte actuellement 220 cabinets d’ingénierie. Elle est organisée en 6 associations sectorielles et 7 associations territoriales dans les principales régions du Maroc. L’ensemble de ses membres réalise un chiffre d’affaires de 2MM DH environ et compte 3500 employés dont 2000 ingénieurs. La FMCI fait partie de plusieurs associations régionales et internationales d’ingénierie: FCIC (fédération islamique), FCAA (fédération arabe), MEG (association méditerranéenne), GAMA (groupe africain), FIDIC (fédération internationale).

2. Etat des lieux

Monsieur Ziani a décliné l’état des lieux de la profession de l’ingénierie marocaine en cinq éléments : le cadre réglementaire, la demande, l’offre marocaine et étrangère, les contraintes, et l’ingénierie industrielle.

2.1. Le cadre réglementaire

Par rapport à la réglementation régissant la profession de l’ingénierie au Maroc, Monsieur Ziani a souligné, d’une part, le fait que le marché national d’ingénierie est ouvert à toute société exerçant cette profession n’importe où dans le monde sans protection aucune et d’autre part, la liberté d’exercer ce métier sans se soumettre à des conditions particulières qui ne sont exigées, sous forme d’agrément et qualification, que des cabinets d’ingénierie domiciliés au Maroc lorsque ceux-ci souhaitent bénéficier de commandes publiques et figurer dans la base de données de certains donneurs d’ordre comme l’OCP ou l’ONE.

Monsieur Ziani a mentionné ensuite les différents textes réglementaires régissant le marché de l’ingénierie : le décret n° 2- 98-482 relatif à la passation des marchés publics, le décret 2-01-2332 du 04/06/02 concernant le CCAG – Ingénierie, la Loi sur l’urbanisme (12-90 du 17/06/92), tout en précisant qu’au Maroc, contrairement à d’autres pays, les appels d’offres lancés par des organismes publics sont tous internationaux.

2.2. La demande

La demande en ingénierie s’est développée de façon importante durant les dernières années grâce à un certain nombre de facteurs dont les principaux sont les suivants :

  • Les plans de développement sectoriels et sous sectoriels qui génèrent des demandes importantes en ingénierie (le Pacte National pour émergence Industriel, le Plan Maroc vert, le Plan Azur, le Plan Najah 2009-2012, le Plan Halieutis, le Plan Solaire et la Stratégie nationale de l’énergie, le Plan de développement des autoroutes, le Plan national de développement des ports…), en améliorant la visibilité des cabinets d’études pour une meilleure planification de leurs ressources humaines.
  • Le développement de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage permettant une meilleure planification et un suivi rigoureux des projets grâce aux prestations des cabinets d’études et d’ingénierie. Cette demande s’est accentuée surtout à cause des opérations de départs volontaires à la retraite.
  • L’apparition de nouveaux créneaux comme le développement durable qui génèrent des demandes en études d’impact et d’analyses environnementales des projets d’investissements, la qualité (management de la qualité, certification)…
  • Le développement de la demande de certains donneurs d’ordre : collectivités locales, investisseurs privés…

Au Maroc, contrairement à un grand nombre de pays en développement, les activités d’ingénierie liées à la demande publique sont financées dans leur grande majorité de manière prépondérante sur le budget de l’Etat. Dans le cas de financements internationaux, la demande est souvent orientée vers des sociétés d’ingénierie originaires des pays financeurs.

2.3. L’offre Au Maroc

Il y a actuellement 600 cabinets d’ingénierie, au moins, qui disposent d’un agrément pour bénéficier de la demande publique. Deux dates importantes méritent d’être soulignées par rapport à l’augmentation du nombre de cabinets d’ingénierie au Maroc :

  • Le milieu des années 70 caractérisé par une intensification des programmes d’investissements (programme de construction des barrages…) grâce notamment à l’augmentation des ressources dues aux ventes de phosphates. Cette période marque le vrai décollage de la profession d’ingénierie au Maroc par la création d’un nombre important de bureaux d’études par des marocains mais aussi sous forme de filiales de sociétés d’ingénierie étrangères.
  • L’entrée en vigueur du système d’agrément à la fin du siècle dernier, qui a encouragé la création d’un grand nombre de cabinets d’ingénierie grâce peut être à la transparence introduite par ce système mais aussi à cause du lancement de la politique des grands chantiers structurants et des stratégies sectorielles citées plus haut.

Environ 54% des cabinets d’ingénierie marocains réalisent un CA de moins de 2 MDH chacun, 25% réalisent un CA supérieur à 10 MDH chacun dont 2,6% supérieur à 60 MDH et seuls 0,3% dépassent 100 MDH de CA chacun.

Les domaines d’agrément sont, par ordre d’importance décroissante, le bâtiment ; les études générales; VRD; l’hydraulique urbaine; les routes et autoroutes; la géologie, la géotechnique et l’hydrologie ; les ouvrages d’art; les «études agricoles; l’industrie et l’énergie; les études maritimes et en fin la défense. Plus de 2/3 des cabinets d’ingénierie sont situés dans deux régions du Royaume : Rabat-Salé-Zemmour-Zaer et le Grand Casablanca. Les deux régions Marrakech-Tensift-Al Haouz et Souss Massa-Daraa sont dotées chacune d’une trentaine de cabinets d’études alors que les trois régions de l’Oriental, Fès-Boulmane et Meknes-Tafilelt disposent d’une vingtaine chacune.

Généralement, l’ingénierie étrangère intervient au Maroc à partir du siège à l’étranger. Cependant, vu le développement du marché marocain de l’ingénierie, certaines sociétés d’ingénierie étrangères ont mis en place des succursales au Maroc après les avoir fermées durant les années 90; mais des difficultés liées aux ressources humaines découragent l’accentuation de cette tendance.

L’ingénierie marocaine est autosuffisante dans une bonne partie des domaines d’agrément : Bâtiment, Grande Hydraulique (Barrages, Grandes adductions, GRE,…), Irrigation, Routes et Ouvrages d’Art. Dans les autres domaines, sauf celui de l’industrie, elle détient une part de marché très honorable : Hydraulique Urbaine (80%), Infrastructures portuaires / Autoroutes / Ferroviaire (70%), Conseil (50%).

2.4. Contraintes

La principale contrainte au développement de l’ingénierie marocaine est la disponibilité des ressources humaines qualifiées pour cette profession. Les budgets relativement réduits consacrés à l’ingénierie et les taux de l’IGR qui restent élevés exercent une pression sur les salaires qui constituent 70% des charges des cabinets d’ingénierie, handicapant de façon importante l’attrait de cette profession.

Les délais consacrés à la partie ingénierie ne sont pas toujours suffisants pour mener les activités requises dans les meilleures conditions. Ceci se fait malheureusement au dépend de la qualité de la réalisation des projets.

Une autre contrainte de la profession d’ingénierie au Maroc est le manque d’encouragements à l’exportation des prestations d’ingénierie malgré le succès enregistré dans ce domaine par certaines sociétés d’ingénierie marocaines.

2.5. L’ingénierie industrielle

L’ingénierie industrielle professionnelle exercée par des cabinets d’ingénierie libres est presque inexistante au Maroc et ce pour deux raisons principales :

  • Le recours à la formule clé-en-main utilisée par les industriels pour la réalisation des projets d’investissement. L’appel d’offre utilisé vise l’acquisition d’une unité industrielle fonctionnelle, depuis la conception jusqu’à, parfois, l’exploitation en passant par la réalisation.
  • L’ingénierie intégrée pour la réalisation de certains projets. C’est le cas de l’OCP qui était doté de sa propre société d’ingénierie «SMESI» et de l’ONA qui a doté sa filiale MANAGEM de REMINEX.

Il faut toutefois souligner l’existence de plusieurs cabinets de conseil qui accompagnent les industriels dans l’amélioration de la gestion de leurs unités industrielles par rapport aux aspects techniques et organisationnels.

Monsieur Ziani a fini son exposé en mentionnant le projet de contrat-programme que la FMCI est entrain de négocier avec l’Etat. Il comporte cinq axes : Renforcement des capacités de la profession; Soutien aux intervenants de l’ingénierie; Formation; Promotion de la qualité; Amélioration du cadre d’exercice.

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