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Crise des élèves ingénieurs marocains et l’intégration des étudiants de retour d’Ukraine

Crise des élèves ingénieurs marocains revenant d’Ukraine

Pour sauver le cursus des étudiants marocains qui ont été obligé de quitter l’UKRAINE à cause de la guerre ; le ministère marocain de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation a diffusé en début septembre 2022 une annonce qui invitait les intéressés à déposer leurs dossiers physiques de candidature auprès des directions des établissements de formation d’ingénieurs qui les intéressent entre le 13 et le 21 du même mois. Suite à ceci, des commissions pédagogiques devraient statuer définitivement sur les listes des admis entre le 22 et 28 Septembre 2022. L’ouverture de la porte des inscriptions pour les candidats retenus a été programmée pour le 30 Septembre 2022.

Cette annonce a mis les étudiants ingénieurs en toute fureur et devant un dilemme auquel il fallait trouver la solution optimale. Rejeter cette décision revenait à dire que nos futurs ingénieurs sont dénués d’empathie et de solidarité avec des compatriotes qui passent par une crise sans précédents. Toutefois, l’accepter renvoyait à leur effacement devant une décision unilatérale du ministère de la tutelle.

Position de la CNEIM

La Coordination Nationale des élèves Ingénieurs Marocains (CNEIM) est une organisation qui regroupe les représentants de 26 établissements de formation des ingénieurs. Elle se présente étant l’unique interlocuteur de cette catégorie d’étudiants marocains et leur porte-parole.

Dès l’annonce du ministère, la CNEIM a provoqué une assemblée générale extraordinaire pour étudier la situation et unifier l’action de ses membres. Ainsi, il a été décidé de dénoncer la démarche « fortuite » du ministère vu d’une part, son atteinte au principe d’équivalence des chances. Et de l’autre part, son aggravation du problème de la surdensité des espaces d’accueil et de formation.

L’intégration directe de ces élèves a été rejetée par l’unanimité des membres comme l’a fait savoir leur communiqué du 17/09/2022. De même, ils ont proposés au ministère de diriger leurs collègues revenant de l’Ukraine vers les écoles privées jouissant de la reconnaissance de l’Etat et de leur prodiguer un accompagnement particulier pour dépasser les difficultés d’intégration dont la langue d’apprentissage et l’incompatibilité des programmes de formation.

L’absence de toute expression de solidarité dudit communiqué et de son suivant daté du 28/09/2022, a provoqué l’opinion publique contre nos élèves ingénieurs. Ces derniers ont été obligés de rectifier le tir en ouvrant le débat avec leurs collègues venus d’Ukraine et d’exprimer publiquement leur soutien à leur cause (cf. communiqué du 02/10/2022).

étudiants marocains en Ukraine

Pourtant, la CNEIM avait été en tête des structures qui ont exprimé leur solidarité et engagement avec cette classe d’étudiants. D’ailleurs, son assemblée générale du 22 Mars 2022 a été dédiée à cette problématique et à son terme, ses membres ont invité le ministère à s’activer pour trouver des solutions viables avant la nouvelle rentrée universitaire 2022/2023.

A titre d’information, le ministère de tutelle n’a jamais répondu favorablement à la demande d’audience formulée par la CNEIM. Un silence qui l’a poussée à organiser une grève générale du 26/09/22 au 01/10/22 en plus de sit-in dans tous leurs sites au Maroc.

Position des représentants des lauréats

A l’exception du SNIM et de l’AIESITH, aucune représentation des lauréats des établissements de formation des ingénieurs marocains n’a donné de feed back. « C’est trivial » commentent les connaisseurs des organisations d’ingénieurs au Maroc. L’ancestrale déconnexion entre les ingénieurs et les problématiques de formation ne date pas d’aujourd’hui. On dirait que la majorité écrasante des élèves ingénieurs n’attendait que le jour de leur diplomation pour ne plus remettre les pieds dans leurs établissements de formation. Les associations de lauréats en sont les premières victimes, puisqu’elles ont perdus le poids et se sont évincées de la sphère de décision.

Pour le Syndicat National des Ingénieurs Marocains (SNIM), le maître mot a été la solidarité avec les futurs ingénieurs revenant contre leur gré de l’Ukraine. Son communiqué du 03/10/2022, relate aussi son étonnement et sa dénonciation du refus du ministère de tutelle à communiquer les statistiques décrivant cette épineuse situation. En effet et à date d’aujourd’hui, personne ne connait ni le nombre d’étudiants qui se sont intéressés à cette opération, ni combien d’entre eux ont été retenus, ni combien d’entre eux se sont inscrits ? On dirait une mission top secrète.

Le SNIM a aussi marqué sa position en s’attachant au principe d’égalité des chances en matière d’accès aux établissements de formation des ingénieurs au Maroc. Il n’est tolérable d’admettre ces étudiants sans passer un concours d’accès comme a été le cas pour les facultés de médecine, de pharmacie et de médecine dentaire en plus des écoles nationales d’architecture.

Quant à l’Association des ingénieurs de l’Ecole Supérieure des Industries du Textile et d’habillement (AIESITH), le communiqué de presse de son bureau national confirme son soutien aux élèves ingénieurs qui ont fuis l’Ukraine de crainte de la guerre et à son refus catégorique de leur intégration directe dans les établissements marocains. Pour ses lauréats, c’est de la responsabilité des autorités de la tutelle de trouver une meilleure solution en assurant un dialogue serein avec toutes les parties prenantes.

Enfin, reste à savoir: pourquoi l’Union Nationale des Ingénieurs Marocains (UNIM) n’a donné aucun signe à ce sujet ?

Position des citoyens

En scrutant les commentaires afférents aux communiqués postés par la CNEIM, ses 26 membres et du SNIM, il est plausible de constater que la vague est allée à l’encontre des attentes de nos jeunes. Les qualificatifs d’égoïsme et d’élitisme ont été dépassés pour laisser place à de graves injures à leurs patriotisme, citoyenneté et intelligence émotionnelle.

Pour certains, la formation des ingénieurs au Maroc ancre un esprit mesquin et monopoliste qui les détache des vrais maux de la société. D’autres rajoutent que ce refus catégorique d’intégration des élèves ingénieurs issus d’Ukraine, est une haine intolérable contre des compatriotes en crise. « Si nos futurs ingénieurs sont vraiment compétents, ils ne doivent pas craindre la compétition au cours de leur cursus de formation. C’est sur le marché du travail que les meilleurs se distinguent ».

D’autres ont ancré le mal en avançant que « Devant des circonstances exceptionnelles, il faut des mesures exceptionnelles et les élèves ingénieurs marocains ont facilement ratés ce test de gestion de conflits. Ils se sont accroupis sur leur contestable position au moment où le globe a fait preuve de solidarité et d’ouverture d’esprit ».

Voici, des avis que les élèves ingénieurs pourraient contester à leur tour. Mais, auxquels la réponse devrait être aussi intelligente pour rappeler au commun des mortels que l’ingénierie ne peut répondre aux attentes de l’humanité que si les ingénieur.e.s sont cueillis dans les champs de l’excellence.

Etat d’avancement du dossier

A présent et même s’il semble s’être isolés davantage, les élèves ingénieurs marocains ont été encore une fois en tête des défenseurs de la qualité de la formation au Maroc. Ils ont réussi à stopper une autre décision unilatérale d’un silencieux ministère de tutelle. En effet, la liste des admis n’a pas été publiée à la date prévue (le 30/09/2022) et aucun étudiant venu d’Ukraine n’a été vu dans les gradins des 26 établissements membres du CNIEM jusqu’à maintenant.

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