L’ingénierie marocaine : enjeux et stratégie du développement -P2-

Discours d’ouverture du Pr. Omar FASSI-FEHRI, Secrétaire Perpétuel de l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques, lors de la session ordinaire de l’académie tenue à Rabat, le 24 Novembre 2010.
Publiée initialement sur le bulletin d’information n°8 de l’Académie pour le mois de décembre 2010
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Académiciens,
Chers Invités,
Mesdames et Messieurs,
Le thème de notre session d’aujourd’hui «l’ingénierie marocaine : enjeux et stratégie de développement», est particulièrement crucial pour le développement de notre pays; cette session permettra, nous l’espérons, de mieux définir le rôle et la contribution de l’ingénieur dans l’économie du pays, et dans la réalisation des grands travaux engagés par le Maroc.
C’est aussi l’occasion d’appréhender les attentes des professionnels du secteur, de poser les bonnes questions, et trouver si possible les bonnes réponses aux nouveaux défis résultant de la demande accrue en ingénierie, avec l’apparition sur le marché de nouveaux besoins et de nouvelles opportunités. Nous reviendrons sur toutes ces questions au cours de la journée. Auparavant, je voudrais surtout rendre un vibrant hommage à des femmes et des hommes qui ont contribué à l’édification du pays depuis plusieurs décennies avec résolution, dévouement et compétence permettant à notre pays d’être doté aujourd’hui d’une ingénierie nationale. Un grand hommage doit également être rendu à l’ensemble des écoles et institutions marocaines, qui depuis l’indépendance, se sont particulièrement investies dans la formation de la plupart de nos ingénieurs.
Mesdames et Messieurs,
Notre pays connaît ces dernières années, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi -que Dieu le Garde-, des mutations profondes touchant tous les secteurs socio-économiques. Plusieurs chantiers, traduisant la volonté de mettre le pays sur les rails du développement, sont engagés. Ils témoignent de la volonté de doter le pays de plateformes logistiques et industrielles, compétitives, à même d’induire un développement qui se veut global, durable, harmonieux, équitable et non exclusif.
Ces chantiers sont en passe de changer radicalement la structure de l’économie marocaine et d’accroître considérablement son potentiel de croissance, son attractivité et sa capacité à contribuer au développement humain du pays et à sa compétitivité.
L’approche marocaine en la matière consiste à trouver un équilibre entre les exigences de la compétitivité internationale et celles de l’intégration sociale et territoriale au niveau national, l’objectif étant d’assurer, d’une part, l’intégration du pays aux flux économiques et humains régionaux et mondiaux et d’arrimer ses infrastructures aux meilleurs standards de qualité et de performance. Il s’agit également de garantir l’accès des populations aux équipements et services de base, tels que l’eau, l’électricité, les communications et les services scolaires et sanitaires.
Mesdames, Messieurs,
La mondialisation, la prise en compte du développement durable, les besoins en matières premières, en énergie sont autant de problèmes complexes à résoudre. Les ingénieurs ont un rôle fondamental à jouer dans leur solution.
Les formations d’ingénieur se définissent en réponse à plusieurs exigences liées aux progrès scientifiques et techniques, à l’évolution des besoins des entreprises, à la diversification du marché de l’emploi et à la demande sociétale. La définition du métier d’ingénieur doit s’inscrire dans ce contexte, elle est forcément évolutive.
Le métier de base de l’ingénieur consiste à poser et à résoudre de manière toujours plus performante des problèmes aux dimensions multiples, ayant trait à la conception, à la réalisation et à la mise en œuvre, au sein d’une organisation compétitive, de produits, de systèmes ou de services, en se préoccupant parfois aussi de questions d’une autre nature comme leur financement ou leur commercialisation. À ce titre, l’ingénieur possède un ensemble de savoirs et de savoir-faire techniques, économiques, sociaux et humains, reposant sur une solide culture scientifique. Il est un organisateur, un coordonnateur et un manager de projets toujours plus complexes. Son activité s’exerce partout dans l’industrie, le bâtiment et les travaux publics, l’agriculture, les services.
Nos débats porteront certainement sur la question de savoir si, en l’état actuel des choses, l’ingénierie marocaine est suffisamment outillée pour faire face à tous ces nouveaux défis et demandes qui exigent de nouvelles qualifications. L’ouverture du pays sur l’extérieur impose par ailleurs à nos ingénieurs de nouveaux défis celui de s’attaquer aux marchés extérieurs ou de faire face à la concurrence des cabinets étrangers. De tels défis nécessitent des structures multidisciplinaires, dotées d’un personnel efficient et expérimenté, et capable de relever les challenges liés à la concurrence étrangère et à la conception de solutions innovantes.
Le succès des plans sectoriels reste conditionné par la mise en place de mesures d’accompagnement, notamment en matière de compétitivité, de gouvernance et surtout de formation de ressources humaines appropriées en qualité et en quantité.
Le dernier Discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le 30 juillet 2010, à l’occasion de la fête du Trône, met l’accent sur cette question et souligne que «l’efficacité des plans sectoriels restera limitée tant que ne seront pas levées les entraves majeures, liées à la faiblesse de la compétitivité, à la gouvernance de ces plans et à la mise à niveau des ressources humaines».
Concernant l’entrave de la faible compétitivité, le Souverain a insisté «avec force sur la nécessité d’une mise en œuvre optimale de la stratégie logistique nationale». S’agissant des entraves liées à la gouvernance des plans, SM le Roi a précisé qu’elles «doivent être impérativement éliminées en mettant en place les mécanismes nécessaires pour assurer une meilleure synergie entre ces plans, dans le cadre d’une vision stratégique intégrée, excluant toute approche sectorielle étriquée».
Concernant le troisième obstacle et qui représente, selon SM le Roi, le plus grand défi, le Souverain a mis l’accent sur la nécessité pour tous de «prendre des décisions courageuses pour assurer l’adéquation de la formation scientifique, professionnelle et technique, avec les exigences de l’économie moderne et de la promotion de la recherche scientifique et de l’innovation, ainsi qu’avec les impératifs de l’insertion dans l’économie de la société du savoir et de la communication».
C’est dire combien la formation des ressources humaines et la recherche scientifique et technique, constituent la véritable clé de voûte dans toute stratégie de développement et le facteur déterminant pour que le système productif du pays soit compétitif et performant.
Voilà qui explique le rôle majeur qui incombe, en la matière, au système de formation et de qualification qui constitue la clé de la réussite et le maillon central pour prendre en charge toutes les contraintes subies par le pays. Sa renaissance scientifique et technique passe certes d’abord par la maîtrise de la technologie, que j’appellerai la technologie de base, et qui a pour objectif d’améliorer les conditions de vie des citoyens et de leur assurer un certain nombre de services comme l’accès à l’électricité, à l’eau potable, au réseau de communications (toutes sortes de communications), au confort domestique sur tous les plans.
Elle passe aussi, à notre sens, par une technologie innovante permettant au pays non seulement de consolider ses atouts (surtout dans les domaines où il possède des richesses en ressources naturelles), de pouvoir faire face à la bataille de la compétitivité, et d’être présent, au moins dans quelques secteurs, sur le marché mondial, mais encore de faire face à ses besoins dans des secteurs stratégiques que sont l’énergie, l’eau, la nutrition, la santé et l’environnement; il s’agit donc de développer l’innovation technologique qui naît d’une invention, d’une idée nouvelle, d’un principe nouveau de fonctionnement, et aboutit à une réalisation industrielle.
L’innovation technologique traduit en fait la fonction recherche en étape novatrice, puis pratiquement en avantage commercial.
Pour toutes ces raisons, il importe de gagner le pari vital de la réforme de notre système éducatif, et d’assurer en premier lieu le succès du plan d’urgence mis en place par le Ministère de l’Éducation.
Cette journée de réflexion, apportera j’espère plus d’éclairages sur la problématique de l’ingénierie nationale. L’Académie Hassan II des Sciences et Techniques sera particulièrement attentive aux résultats de vos discussions et recommandations.
Mesdames, Messieurs,
Je tiens enfin à renouveler mes vifs remerciements à toutes les personnalités qui ont répondu à notre invitation, à tous ceux qui ont accepté de participer aux travaux de cette journée et tout particulièrement à la Fédération Marocaine du Conseil et de l’Ingénierie. Mes remerciements s’adressent aussi aux éminents scientifiques et experts venus de l’étranger, d’Espagne, de France et d’Inde, je leur souhaite la bienvenue et un agréable séjour dans notre pays.
Puisse Dieu couronner de succès nos actions afin que l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques soit une institution phare capable d’œuvrer pour que la recherche scientifique et l’innovation contribuent activement à la solution des problèmes de développement et au bien-être social des citoyens, et nous aider à être à la hauteur des nobles ambitions que nourrit Sa Majesté le Roi Mohammed VI – que Dieu Le protège – pour l’édification d’une société marocaine moderne, prospère et heureuse.
Je vous remercie pour votre attention.